Nord Eclair : ce n'est pas le discours d'agriculteurs en détresse

Une agriculture citadine  : pour eux et pour nous - Publié le jeudi 11 mars 2010 à 06h00

Hier après-midi, les Jeunes agriculteurs proposaient des produits régionaux sur la Grand'Place de Lille. Pour entamer la discussion.

Ils ne veulent pas être assistés, ils posent juste sur la table quelques projets certes liés à l'agriculture mais qui dépassent leurs seules réalités. Promouvoir une agriculture citadine, c'est aussi parler consommation et politique foncière.

Dans cette campagne, ils font figure d'ovni. Ils se décrivent comme « des jeunes agriculteurs qui se posent des questions » . Et qui nous les posent. Loin d'une défense strictement corporatiste de leurs intérêts et sans entonner l'éternel couplet d'une profession en détresse, ils interrogent notre rapport à la consommation. Pas un hasard s'ils ont baptisé leur liste « Mettez le Nord - Pas-de-Calais dans vos assiettes ! » À quelques jours du premier tour des élections régionales, Mickaël Poillon, la tête de liste, ne boude pas son plaisir : « J'ai regardé les différents programmes. Pas une liste qui ne dise qu'il faut revenir à une production locale et une agriculture de proximité. » Pour lui, « pari réussi » donc, même si, sur le fond, les Jeunes agriculteurs portent de plus hautes ambitions : « Structurer une agriculture citadine et donc le lien entre producteurs et consommateurs. » Dans la région, on ne compterait qu'une quinzaine de magasins de producteurs. « Il faut aller bien au-delà », pose Mickaël Poillon pour qui la Région pourrait aider à l'installation de locaux dans les lotissements, à proximité des entreprises, dans les usines où les agriculteurs pourraient écouler leurs produits.
Forts du constat selon lequel 30 à 50 % des repas sont pris hors foyer dans nos sociétés urbanisées, les Jeunes agriculteurs proposent aussi que 50 % des produits de la restauration collective soient issus de la région. Autre chose que cet « alibi » qui les agace et consiste à proposer « une fois par semaine du bio dans les cantines et le reste du temps de la viande venue d'Argentine ou de Pologne ». En somme, « plutôt que des aides saupoudrées, une vraie contrainte de production locale ».
La question de l'agriculture, c'est aussi celle de la terre. Et donc de nos politiques foncières. Ce que les Jeunes agriculteurs appellent « le partage du territoire ». « Il faut faire une pause dans nos politiques foncières et réfléchir à l'aménagement du territoire. On se fait bouffer nos terres ! » constatent ces jeunes exploitants qui plaident pour une taxe locale sur les terres agricoles récupérées pour d'autres activités. Une taxe qui servirait à financer des projets de développement rural ou de reconstitution d'un tissu de commerces de proximité.

Un tremplin
Les Jeunes agriculteurs ne prétendent pas avoir un avis sur tout et n'ont pas bâti un programme tous azimuts pour ces régionales. Ils nous parlent de leur métier et de ce que nous mangeons. « On a reçu un tract de campagne d'un "grand" parti sur le thème : le Nord - Pas-de-Calais aime ses paysans. C'est bien gentil... » ironise Ghislain Mascaux, agriculteur entre Douai et Cambrai. « Cette élection, c'est juste une étape, c'est le démarrage d'autre chose », ajoute Mickaël Poillon. Un tremplin. Et un pied de nez à ceux qui auraient bien voulu « avoir un paysan alibi sur leur liste ». Pas le genre de la maison.w
FLORENCE TRAULLÉ
Dimanche, il n'y aura pas forcément de bulletins de vote pour les Jeunes agriculteurs dans tous les bureaux. Trop cher à financer. Mais on peut le télécharger sur http://mettezlenpdc.canalblog.com